// Commissariat d'exposition //
L'exposition “Tout ce que l’on pourra” dresse un panorama de projets investissant nos capacités d’action, de changement et d’engagement. Les initiatives présentées sont portées par des artistes de renommée internationale ou des artistes émergents, d’ici et d’ailleurs, avec un ancrage politique et sociétal pour certains, poétiques et intimes pour d’autres. Le point commun de ces œuvres réside dans une appréhension nouvelle du vivre-ensemble, explorant d’autres façons d’interagir individuellement et/ou collectivement. En regroupant huit artistes internationaux aux côtés de notre partenaire Habitat & Humanisme, nous espérons témoigner de la capacité des artistes d’éclairer nos désirs, de brandir des horizons et d’inventer des possibles.
REVER, ENFOURCHER, DEPASSER

Née en 1991, l'artiste, de nationalité palestinienne, a grandi à Rafah au sud de la bande de Gaza. Elle est membre de l’atelier des artistes en exil depuis 2020. Dès son arrivée en France, elle s’attèle à accomplir un rêve enfoui : celui de faire du vélo. Il s’agit en effet d’une pratique que les talibans aux pouvoirs interdisent aux femmes de son pays. Motif récurrent de son œuvre, ce vélo bleu devient le compagnon de révolte de l’artiste, dénonçant l’héritage culturel qui conditionne la vie des femmes dans certains pays arabo-musulmans. Symbole d’émancipation et de libération, la peinture présentée montre l’artiste enfourchant son vélo comme un cheval et fait ainsi l’ode aux droits de se divertir et de braver les coutumes oppressantes.
ESPERER, CHERCHER, CONTINUER

L’œuvre de l’artiste français Laurent Lacotte, né en 1981 à Bergerac, prend régulièrement la forme d’actions éphémères. Cette forme à la fois furtive, modeste et publique permet à l’artiste de transmettre un propos autant politique que poétique. Perdue Espérance se compose d’une affiche placardée sur les murs publics, d’une ligne téléphonique active et d’une sélection des réponses reçues à ce numéro. Les autres œuvres présentées dans l'exposition convoquent elles aussi certains éléments de langage en la présence de mots peints en divers lieux (urbains, périurbains ou naturels) traversés par l’artiste lors de ce qu'il nomme ses « dérives ». Ce mode opératoire permet ici et à nouveau de souligner les qualités poétiques et politiques des endroits sillonnés et de dresser une certaine cartographie sensible des territoires.
IINVENTER, VIBRER, RASSEMBLER

Né en 1967 au Cameroun, Barthélémy Toguo développe une œuvre protéiforme, universelle et sociale. Nourri de l’actualité, l’artiste témoigne des maux de nos société (exil, dérèglement climatique, guerres, épidémies) et questionne ainsi notre humanité.
Convaincu de la capacité réelle que l’art détient de modifier nos façons d’être, de faire et de penser, Barthélémy Toguo met en image nos souffrances et nos joies communes dans des œuvres vibrantes et lumineuses. Les deux aquarelles présentées dans l'exposition montrent une silhouette d’homme en « Bleu Toguo» célébrant l’eau comme source vitale et la naissance d’un nouveau monde. En 2013, il inaugure la Bandjoun Station au Cameroun. Cette initiative regroupe la création d’un centre d’art (afin de pallier au manque de politiques culturelles) et un projet agricole dans le but de promouvoir l’autosuffisance alimentaire. Il s’agit ainsi de redistribuer ses savoirs à la communauté, tout en rendant hommage à la puissance de la Nature et du Vivant.
RENCONTRER, S'EMERVEILLER, TRANSMETTRE

Né en Nouvelle-Zélande et basé à Londres, le photographe Todd Antony met en lumières des groupes et communautés méconnus, qui surpassent les épreuves de la vie de façon extraordinaire. Les trois photographies présentées ici sont chacune issues d’un projet singulier.
Flyng Stars suit une équipe de football réunissant des victimes de la guerre civile de Serria Leone (1991-2002) et néanmoins décidées à continuer de jouer, malgré tout. Cholitas Escaladoras montre un groupe de femmes boliviennes qui brise les stéréotypes en atteignant le sommet du Mont Aconcagua dans leurs robes traditionnelles. Enfin, Flying Cholitas présente des femmes pratiquant le luchadoras (inspiré de la lutte mexicaine). Bien au-delà du simple divertissement, cette pratique permet à ces femmes de se libérer des violences subies et d’imposer une place nouvelle, à l’égal de celle des hommes.
OBSERVER, IMAGINER, ANTICIPER

Née en 1990, l’artiste française Camille Reidt met son savoir-faire de designer au service de l’élaboration de fictions au sein desquels le vivant prend une nouvelle place. Croisant librement ses sources d’inspiration (sciences, mythes, histoire…), ses pratiques (techniques traditionnelles, nouvelles technologies…) et ses partenaires (entrepreneurs, biologistes, artistes…), l’artiste interroge notre relation à la biodiversité.
En scannant des graines, l’artiste nous révèle la beauté du micromonde. Les oeuvres Strange Seeds, Hybrides et Xenomorphe sont des explorations : À quoi pourrait ressembler le futur des plantes ? Quelles mutations, quelles transformations à venir ? Et si, comme dans Plante d'urgence, une ampoule végétalisée devenait un kit de survie contre l’émission de gaz toxiques ? En imaginant des scénarios à venir, Camille nous rappelle les capacités d’anticipation contenues dans notre imaginaire.
SOURIRE, CONSIDERER, PARTAGER

Née en 1987, l’artiste franco-suisse Camille Bondon met en place des expériences collectives qui font la part belle aux joies et aux désirs, comme le suggère sa plaque du Département du plaisir. De même, les journées de plaisir (dont l’œuvre 65 jours de plaisirs rend compte) sont des invitations à partager avec l’artiste, et par sms, trois plaisirs rencontrés chaque heure, durant une journée. Les Mots doux sont issus d’un autre protocole, proposant de diffuser 10 000 mots doux dans une zone déterminée. Les ramettes en vente permettent au visiteur de devenir, à son tour, acteur de l’œuvre.
Il y a une dimension émouvante dans cette recherche à la fois minuscule, consciencieuse et collective de récolter ces petites choses qui donnent un goût agréable à notre présent. Echangé et mutualisé, le plaisir s’éloigne de sa dimension individuelle pour endosser sa fonction de lien social : il remplit alors le rôle essentiel de moteur pour tous nos engagements à venir.
COMPRENDRE, SOUTENIR, TISSER

we came from est une plateforme née de la rencontre entre Nina, designer Française, et Farooq, brodeur originaire d'Afghanistan exilé à Paris depuis 2015. Les migrantes et migrants sont au cœur de tous les projets créatifs et solidaires qu’ils y développent.
L’œuvre présentée a été spécialement créée pour l’exposition. Les motifs brodés sur le rideau et illustrés par Flora Langloissont issus d’un texte de Farooq, où il ravive le souvenir de son pays à travers les champs de blés, le soleil, les parties de football et les jeux de cerf-volant -un divertissement interdit depuis l’arrivée des Talibans au pouvoir.
AGIR, ECOUTER, PARTAGER

Née en 1988, L’artiste française Marianne Mispelaëre s’intéresse à la complexité de nos langages, de nos identités et de nos constructions. Son œuvre sensible interroge la relation invisible entre nos corps, nos pensées et nos mots.
Les affiches présentées dans l'exposition font partie du projet Mantra. Il s’agit de 10 phrases incitant celles et ceux qui l’écrivent ou la lisent à agir selon leurs aspirations. Dans cette proposition typographique, l’artiste a isolé les têtes et les pieds des lettres de l’alphabet puis placé le haut des lettres en bas, et inversement. Cette forme rend palpable le processus de répétition nécessaire à la mise en mouvement. Le second projet présenté, Panorama des Alternatives Concrètes, est une plateforme collective et collaborative en opensource regroupant des propositions d’autres modes d'organisation et d'action possibles.
L'exposition "Tout ce qu'on pourra" a été présentée à la Caring Gallery en 2022.
Curatrice : AnneSophie Bérard
Artistes exposés : Todd Antony, Camille Bondon, Laurent Lacotte, Marianne Mispelaëre, Duaa Qishta, Camille Reidt, Barthélémy Toguo, We came from.