Il y a tant de choses enfouies, dans les cachettes secrètes de ce que nous sommes.
Des petites choses un peu honteuses. Des vilains souvenirs, des rancunes, des regrets, des malheurs, des souffrances. Des sentiments de dessus, de dessous, de côté. Des machins qu'il ne fait pas bon effet de brandir en société et qu'on s'applique à camoufler, poliment, derrière nos bonnes manières.
Tout le monde s'y atèle avec la même précaution. D'un air offusqué, nous méprisons nos inavouables sentiments. Les mauvais profils qui nous cabossent la gueule. Les promesses non-tenues du jour, les lâchetés de la veille, les défaites du lendemain. Toutes ces choses qui nous rendent moches : hop, sous le tapis ! Une poussière ? Où ça, chez nous ? Allons donc, c'est impossible, vous nous avez bien regardé.es !
Nous et notre lumière que l'on brandit comme seul visage. Notre lumière que l'on supplie de tenir bon et surtout, surtout de ne pas éclairer ce tas que l'on s'évertue à cacher. Notre lumière que l'on rêverait éternellement scintillante, étincelante, réjouissante, rassurante.
Et l'on voudrait même croire que cela est possible, que l'on va y arriver et qu'ainsi, on aura gagné.
Mais il suffit d'attendre. Laisser le temps reprendre le pouvoir. Laisser la patience s'armer. Et on aura beau faire, réparer, encaisser, dépasser, tout finira par ressortir : les inavouables tristesses, les impardonnables méchancetés, les indicibles doutes, les éternelles rages.
Alors, chacun pourra avancer sans avoir à porter sur son visage fardé cet étrange sourire. Nous avouerons sans rougir ce qui ne va pas : que la vie est folle, que nous sommes vascillant·es, perdant·es, choqué·es, blessé·es. Tous ces sentiments mêlés exploseront contre les murs, les plafonds, les cieux, les mers. Le monde se teintera d'orangées, de rouges, de violets, de pourpres et toutes ces couleurs mêlées ensemble donneront au monde ce qui lui manquait absolument : un peu de vérité.
