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Catastrophe

Que vient-on chercher lorsque l'on écoute une chanson, lorsque l'on regarde un tableau, lorsque l'on assiste à un spectacle ? En somme, qu'espère-t-on trouver auprès d'une œuvre ? C'est une question que l'on se pose à chaque fois que l'on en rencontre une. Il y a celles qui nous charment immédiatement, celles qui nous bousculent, celles qui nous agacent, celles qui nous indiffèrent, celles qui nous rattrapent, celles qui nous hantent, celles qui nous réconfortent... Mais quelque soit le chemin qui nous y mène, on peut considérer comme une véritable "rencontre" toute œuvre nous donnant accès à quelque chose d’éminemment inaccessible et, plus précisément, lorsqu'elle détient la capacité de nous faire voir quelque chose de nous-mêmes que nous n’avions encore jamais tout à fait entrevu. En d’autres termes : qui a la faculté de nous révéler l'intime d'une chose à priori étrangère. Cela peut se ressentir de façon purement émotive ou au contraire conceptuelle, fulgurante ou sur le long-terme : ce qui compte, c'est le bouleversement interne. Or, pour provoquer cet ébranlement chez son destinataire potentiel, l'oeuvre n’a qu’un seul moyen : dire une chose qui n’a pas encore été dite de la sorte. C’est là l’essence même de ce que nous pouvons nommer "la Création".

« Pour des raisons suffisamment évidentes, chaque génération traite la vie qu’elle trouve à son arrivée dans le monde comme une donnée définitive, hors les quelques détails à la transformation desquels elle est intéressée. C’est une conception avantageuse, mais fausse. A tout instant, le monde pourrait être transformé dans toutes les directions, ou du moins dans n’importe laquelle ; il a ça, pour ainsi dire, dans le sang. C’est pourquoi il serait original d’essayer de se comporter non pas comme un homme défini dans un monde défini où il n’y a plus, pourrait-on dire, qu’un ou deux boutons à déplacer (ce qu’on appelle l’évolution), mais, dès le commencement, comme un homme né pour le changement dans un monde créé pour changer…» (Robert Musil, L'homme sans qualités)

Ces mots, extraits de L'homme sans qualités de Robert Musil, sont affichés en ouverture du site internet de Catastrophe. Depuis qu’il est apparu -en 2015-, ce collectif s'attache avec joie, poésie et détermination à nous surprendre. Il ne me semble pas avoir vu deux fois la même proposition chez eux, ni même avoir perçu les limites de leur champ d'investigation. Amateurs du risque autant que des premières fois, Catastrophe ne cesse de se positionner aux frontières : frontières des genres autant que frontières des arts, en convoquant tour à tour la musique, le théâtre ou encore la performance. Sans craindre ni l’échec, ni la réussite, mais simplement en tentant l'expérience, ce groupe n'a qu'un seul principe : celui du renouvellement. Blandine et Pierre, deux de ses membres fondateurs, nous livrent quelques-unes de leurs brèches... Rencontre.


Brèches : Racontez-nous un rêve d’enfant.

(Blandine) Rencontrer Nolwenn Leroy - ce que j’ai fait il y a peu. C’était intense pour l’enfant en moi.

(Pierre) Faire de la musique tous les jours.


Brèches : Un regret d’adulte ?

On préfère ne pas y penser. Il aurait peut-être pour bande-son : Les choses qu’on ne peut dire à personne de Bertrand Burgalat, qui sait si bien mettre en musique les regrets.


Brèches : Un matin de chance ?


Brèches : Une nuit de doute ?

Elles le sont toutes !


Brèches : Ce qui vous remplit d’espoir ?

Le hasard.

La réduction de 100 millions de tonnes de émissions mondiales de CO2 via le Covid-19.

Le son des applaudissements entre les immeubles, chaque soir à 20 heures, pour remercier les soignants.


Brèches : Ce qui vous désespère

Le hasard.

Les commentaires internet : ceux qui s’improvisent experts. La tendance à donner son opinion de manière péremptoire et à montrer du doigt, à condamner, même et surtout quand les sujets nous dépassent.


Brèches : Un détour que vous affectionnez ?

L’homme sans qualités, de Robert Musil. Très long détour.

Brèches : Un raccourci que vous exécrez ?

Control + Z.


Brèches : Un souvenir caché ?

(Pierre) Je me souviens de la première fois que j’ai mangé du pain perdu. J’avais 10 ans. C’était à New-York avec mon père, près de Times Square. C’était incroyable. C’est aujourd’hui encore mon dessert préféré.

(Blandine) La première fois que chacun d’entre nous a chanté, enfant. Personne ne s’en souvient, et pourtant...


Brèches : Un moment inoubliable ?

A Varsovie, il y a un an, nous tournions la vidéo de Phoenix et campions dans un champ autogéré par un vieille homme russe qui ne parlait pas un mot d’anglais et communiquait seulement par la biais de verres de vodka-framboise. La première nuit, on s’était endormi dans nos tentes gelées, un peu éprouvés. A cinq heures du matin, des animaux sauvages nous réveillaient. Alertés par des bruits étranges, on a ouvert la tente et là, à quelques mètres de nos visages encore un peu endormis : deux biches albinos, des dindons. Un des plus beaux matins de notre vie.



Philippe Groslier

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